Speech Verhagen tijdens NL-Franse Samenwerkingsraad (Frans)

Gelegenheid: NL-Franse Samenwerkingsraad

Monsieur le Ministre, cher Bernard, mesdames et messieurs les membres du Conseil,

Permettez-moi d’abord de vous remercier pour votre chaleureux accueil et pour les mots remarquables que vous venez de prononcer avec votre force de conviction habituelle. C’est un immense plaisir pour moi d’être ici aujourd’hui. Rien de tel qu’une rencontre directe, personnelle, pour souligner la qualité des relations entre nos deux pays et nous permettre de réfléchir ensemble aux défis qui se présentent à nous. Depuis sa création en 2003, le Conseil de coopération a fait preuve de son utilité en tant que forum de réflexion sur des thèmes bilatéraux et européens d’actualité comme le climat et l’énergie, les tensions sur les marchés financiers internationaux et la responsabilité sociale de l’ entreprise. Cette enceinte, qui réunit des représentants de premier plan de nos deux pays, s’avère un excellent instrument pour l’échange, la compréhension mutuelle et la coopération. J’espère que sa réunion d’aujourd’hui sera une fois de plus un succès.

(Défis pour l’Europe)

L’Europe entre dans une période délicate. Et je ne dis pas cela en raison de l’imminente présidence française − l’Europe est avec vous en bonnes mains, je n ’en doute pas un seul instant. J’en attends même beaucoup. Non, si je dis cela, c’est que le XXIe [vingt-et-unième] siècle confronte l’Union à de nouveaux défis. Ces défis, vous les avez déjà évoqués : réchauffement climatique, sécurité de l’approvisionnement énergétique, contrôle des flux de migration, terrorisme, criminalité internationale. Ce sont autant de problèmes transnationaux qui exigent une réponse concertée.

Cette réponse doit être d’abord européenne. Nous devons donc continuer à unir nos efforts au sein de l’UE : (1) pour surmonter l’impuissance de chacun de nous face aux problèmes transnationaux, et (2) pour renforcer notre influence en parlant autant que possible d’une seule voix. Nous y avons tous intérêt, du plus petit au plus grand des États membres.

(Aperçu des thèmes cruciaux pour demain)

J’aimerais ici évoquer les domaines où l’Europe doit progresser :

  • Je commencerai par un sujet qui me tient à cœur : l’Union en tant que communauté de valeurs. Il me semble primordial que l’UE s’attelle à la diffusion de ses valeurs fondatrices, surtout lorsqu’elles sont menacées : la liberté, la démocratie, les droits de l’homme. Ce dernier thème occupe une place centrale dans la politique étrangère néerlandaise, je sais qu’il en est de même pour la France. Nous devons plaider sans relâche pour l’universalité des droits de l’ homme. La célébration, pendant la présidence française, des soixante ans de la Déclaration universelle des Droits de l’homme nous en fournira l’occasion idé ale.
  • La France et les Pays-Bas collaborent déjà étroitement, notamment dans la lutte contre la violence envers les femmes et pour les droits des homosexuels. En ce qui me concerne, le travail des enfants a également sa place au rang des priorités : nous ne pouvons plus accepter que ce fléau prive plus de 200 [deux cents] millions d’enfants dans le monde de leur droit d’aller à l’école et de jouer. Les conclusions du Conseil Affaires générales et Relations extérieures de lundi dernier constituent un pas dans la bonne direction, et je tiens à remercier la France pour son soutien à la proposition néerlandaise d’é ventuelles mesures commerciales. Autre priorité : la responsabilité de proté ger, concept adopté par les Nations unies en 2005 [deux mille cinq], mais qui doit encore être précisé. Je ne vous apprends rien, Bernard, vous qui êtes l’« inventeur » de l’ingérence humanitaire ; mais j’aimerais que l’Europe fasse davantage entendre sa voix. De par la tradition de nos deux pays, nous nous devons d’avoir un rôle pionner sur ces sujets.
  • S’il est un domaine, en revanche, où l’UE fait indéniablement preuve d’ initiative, c’est celui du climat et de l’énergie. Dans la marche vers l’ instauration d’un nouveau régime climatique international, l’Europe fait partie des bons élèves. Mais, pour conserver notre rôle pionnier sur la scène mondiale, ces objectifs ambitieux doivent aussi être atteints. Reste la question de la possibilité de défendre nos entreprises, par des mesures commerciales, contre la concurrence déloyale de pays peu soucieux des conséquences du changement climatique. Je me réjouis qu’une étude franco-néerlandaise soit mené e à ce sujet dans le cadre du Conseil de coopération. La France et les Pays-Bas peuvent pousser plus loin cette action concertée ; le Conseil de coopération a lui-même préconisé, en 2006, un échange bilatérale de nos expériences politiques et pratiques, de même qu’un dialogue dans le plus vaste contexte stratégique et géopolitique du dossier « énergie et climat ». L’article coécrit par Bernard Kouchner et moi-même et paru ce matin dans Le Figaro est une belle concrétisation de cette ambition.
  • Le climat et l’énergie sont incontestablement porteurs de nouvelles menaces. à ce titre, ils devraient figurer en bonne place lors de la prochaine actualisation de la stratégie européenne de sécurité.

Il apparaît de plus en plus clairement que l’OTAN et une défense européenne solide, loin d’être concurrentes, sont au contraire complémentaires. M. Sarkozy s’est déjà exprimé en ce sens, rejoint par M. Bush lors du dernier sommet de l’ OTAN à Bucarest. Les Pays-Bas sont eux-aussi favorables au renforcement de la d éfense européenne, pour deux raisons. Premièrement, par nécessité : les besoins en matière d’opérations de gestion de crises sont tellement importants que les moyens conjugués de l’UE et de l’OTAN n’y suffisent pas. Des investissements supplémentaires sont donc nécessaires. Deuxièmement, parce que les pays européens, y compris au sein de l’OTAN, doivent avoir une certaine puissance d’intervention. La défaillance de l’UE équivaut à la défaillance de l’OTAN, le parallèle est à mes yeux évident. Bernard, je sais que cette question vous préoccupe également. J’espère qu’elle fera l’objet d’un débat enrichissant pendant la présidence française. Le séminaire du 7 juillet prochain, consacré à la coopération entre l’UE et l’OTAN, me paraît une excellente initiative en ce sens.

(Traité de Lisbonne)

Droits de l’homme, climat, sécurité. Trois thèmes cruciaux, trois thèmes sur lesquels l’Europe devra montrer clairement son meilleur profil. La force de la réponse européenne à ces défis dépendra en partie de la façon dont le traité de Lisbonne sera mis en œuvre à partir de l’an prochain. J’attends son application avec impatience, car il devrait améliorer l’efficacité et la légitimité dé mocratique de l’UE, tout en renforçant la cohérence des ses interventions exté rieures. Mais, vu les enjeux, cette attente est aussi teintée d’inquiétude. En tant que ministre d’un pays qui a essuyé un « non » en 2005 [deux mille cinq], j’ai à cœur de montrer à mes compatriotes ce que l’Europe signifie pour eux − peut-être connaissez-vous aussi ce sentiment, car nous étions alors logés à la même enseigne… Après avoir durement bataillé pour ce traité, nous sommes satisfaits qu’il existe. Nous devons maintenant veiller à ce que l’ Europe, dotée de nouvelles règles du jeu, gagne en importance, en efficacité et en pertinence pour le citoyen.

Il est donc bon de réfléchir à la mise en œuvre du traité. L’arrivée de nouveaux acteurs va créer un nouvel équilibre des institutions − je pense ici au président du Conseil européen, au haut représentant nouvelle formule et au service européen pour l’action extérieure. Il est important de se reconnaître dans ce nouvel équilibre et d’y trouver sa place.

Naturellement, les questions de personnes ne pourront être évitées, mais l’ UE a surtout besoin pour présider le Conseil d’une personnalité fédératrice, qui intègre et recherche le consensus. Son fonctionnement doit se fondre dans les structures actuelles du Conseil, garantes du maintien de l’influence des États membres. Car ce sont eux qui élaborent la politique européenne, eux qui, tous ensemble, la préparent et la négocient. Le rôle du président est donc fonciè rement interne et doit s’appuyer sur une Commission forte.

C’est sur les épaules du haut représentant « nouveau style » que reposera en grande partie l’action extérieure. Grâce à la fusion des fonctions de l’« ancien » haut représentant et du commissaire aux Relations extérieures, la politique extérieure européenne va gagner en cohérence. Nous avons beau parler depuis des années de cohérence, la pratique a du mal à suivre. Grâce au traité de Lisbonne, l’approche intégrée que nous prônons − pensons à l’Afghanistan − sera plus facile à mettre en œuvre. D’autant qu’avec la disparition du clivage institutionnel, le haut représentant aura à sa disposition les moyens et budgets alloués à la politique extérieure.

Le haut représentant va aussi devoir piloter le nouveau service européen pour l’action extérieure. Pour éviter tout malentendu, y compris pour le nouveau haut représentant, il nous semble opportun de définir rapidement les missions de ce service. Mais tout ne doit pas être figé : nous proposons une clause de rendez-vous afin de procéder en temps voulu aux ajustements nécessaires. Le service pour l’action extérieure devra se mettre en place progressivement, avec, j’imagine, des moyens humains issus en grande partie − disons pour moitié − du personnel diplomatique des États membres.

Voilà, Bernard, les quelques idées que je voulais partager avec vous concernant l’application du traité de Lisbonne, une fois ratifié par tous les É tats. Travail bien préparé est à moitié achevé, avons-nous coutume de dire. À cet égard, la présidence française risque d’être chargée. Mais, encore une fois, notre confiance est entière. Je conclurai donc en vous adressant mes vœux de succès pour la présidence et en vous remerciant de votre hospitalité aujourd’ hui. Et je souhaite une réunion fructueuse aux membres du Conseil de coopé ration.

Merci de votre attention.